Les Sources, 2003
Commande publique, Commune de Winkel, Conseil général, DRAC Alsace, Winkel




Les sources de l’Ill se trouvent à Winkel, petite commune du Haut-Rhin située à quelques km. de la frontière suisse. Le site des sources est au bout du village, en fond de vallon et à la lisière d’une forêt communale. L’émergence d’eau n’était plus visible depuis de nombreuses années, les sources ayant été captées pour alimenter le village en eau. Un édicule de béton marquait le point répertorié officiellement comme étant la source de l’Ill, et un filet d’eau s’écoulait environ 9 mois sur 12, selon la saison et selon le niveau de remplissage des deux réservoirs alimentés par le captage. Le site est protégé par des réglementations propres aux zones de sources et de captage pour alimentation en eau potable, dont il a fallu tenir compte ; j’ai également tenu à répondre dans mon intervention aux désirs exprimés par la municipalité de Winkel, tels que la création d’un cheminement piétonnier, de lieux où l’on puisse s’asseoir, d’un accès direct à l’eau de source, et d’une fontaine d’eau potable, sans pour autant transformer ce site de nature rurale en parc paysagé.
J’ai voulu éviter tout recours au monumental et privilégier le rapport à l’horizontale et au paysage environnant qui est une suite de vallonnements ouverts les uns sur les autres. Il existe une longue histoire de doutes et de controverses sur l’emplacement exact des sources de l’Ill, qui fut disputée entre plusieurs communes, car le ruisseau semble prendre plaisir à disparaître et réapparaître. Le captage souterrain réalisé il y a déjà plusieurs générations a oblitéré dans les mémoires la localisation d’un lieu précis d’apparition de l’eau (bien qu’une gravure ancienne représente une sorte de bassin abrité sous les arbres), et aujourd’hui nul ne sait exactement où et comment vient l’eau…
De cette sensation d’une présence diffuse de l’eau à travers toute la prairie en amont du point officiellement nommé “source”, j’ai gardé l’image d’une dispersion puis d’une venue à l’air libre qui serait comme l’être ensemble de ces parcours invisibles. Dix “galets”, plus ou moins imposants, sont donc dispersés dans la prairie, sortes de cailloux blancs du Petit Poucet pour rêver à se perdre. Le lieu même de la source est marqué par une grande pierre plate qui garde en dix vallonnements de sa surface la mémoire des formes individuelles des galets, comme agglomérées les unes aux autres. L’eau surgit en dix points de cette pierre pour ruisseler le long de sillons creusés dans sa surface, image à la fois de champs labourés et de chevelure comme tressée. L’eau est recueillie au bas de la pierre dans un lit de ruisseau réaménagé qui retrouve le tracé de l’écoulement tel qu’il se faisait auparavant, et va donc rejoindre le cours actuel de l’Ill. Une petite fontaine de pierre permet de se servir en eau potable en aval de la “pierre source”, au bord de l’écoulement du ruisseau. Sa forme verticale, quasiment en 8, fait écho aux orbes des galets et de la pierre source; quelques gouttes d’eau ou larmes de pierre en marquent la surface.
La pierre choisie pour tous les éléments sculptés (galets, pierre source, fontaine) est un calcaire du Jura, extrait d’une carrière suisse située à une vingtaine de Km du site, pierre non gélive de couleur crème parfois marbrée de rose ou de jaune clairs. Par contraste, deux “îles”, situées l’une sur le haut et l’autre dans le bas du site, seront marquées par des blocs de porphyre noir, bruts de carrière, venant du site de Saint Nabor. Ces blocs, abrités sous des arbres nouvellement plantés, fruitiers dans la partie basse du site, et forestiers dans la partie haute, offrent des surfaces plus ou moins horizontales, à hauteur de siège ou de table. Un cheminement, matérialisé par du calcaire concassé et quelques marches de pierre donne accès au site par la partie haute, avec un beau point de vue sur l’écoulement su site vers le village, et les collines alsaciennes, puis descend en pente douce vers la pierre source et la partie basse du site.
La source est un lieu particulier de notre imaginaire, et j’ai voulu lui rendre sa qualité d’intimité, en abritant la pierre et l’émergence de l’eau dans un léger repli de terrain, modelé sur la prairie, double ondulation en forme de croissant, comme une peau qui se plisse autour d’une indentation.
Les modèles des éléments sculptés ont été réalisés par mes soins en vraie grandeur (modelage en terre, moulage puis coulage en résine acrylique). La taille des pierres a été confiée à Christian Thomann, tailleur pour les carrières Thomann, à Liesberg, Suisse ; j’en ai fait la peau finale.
Chronologie:
Projet: avril 99- avril 2000
Études techniques: avril 2000- janvier 2001
Réalisation: janvier 2001- mai 2002
Inauguration du site: mai 2003
Dimensions :
Pierre Source : 65 x 255 x 220 cm.
Pierre Fontaine : 118 x 65 x 35 cm.
Galets : dix éléments, dimensions variables