Le potager des enfants du jardin des Tuileries est un espace de 12m. par 24m., ceint d’une clôture et situé dans l’un des bosquets au Sud de l’allée centrale du jardin, près de la passerelle donnant accès au Musée d’Orsay. Le potager existant était défini par une barrière de bois peint, et comprenait huit plates-bandes parallèles d’environ 1,50 m de largeur, réparties inégalement autour d’un espace central vide, d’environ 4m. de largeur, où se trouvaient deux points d’eau non aménagés. Les espaces de circulation étaient en stabilisé, identique à celui recouvrant les allées du jardin des Tuileries, et l’accès au potager se faisait par deux portails ouvrant sur l’espace central. Ce lieu, qui existait depuis plusieurs années accueille les enfants pour quelques heures ; ils viennent entretenir le potager, y faire quelques plantations, en goûter parfois la production, mais apparemment y reviennent rarement. Leur expérience de ce potager est de l’ordre de l’instant, de l’immersion totale mais ponctuelle dans un espace enveloppant, changeant dans le moment de la découverte et d’un travail inhabituel, habité de rêveries portées par les végétaux et par la dimension même de ce jardin miniature enchâssé dans l’espace monumental des Tuileries. Pour le promeneur des Tuileries, le potager est aussi un lieu particulier, accessible uniquement au regard, mélange d’ordonnance et de désordre, plus soumis que le reste du jardin aux cycles de la croissance et de la décroissance du végétal ; autant il peut être foisonnant en plein été, autant l’hiver le laissera presque vide et en attente. C’est le lieu d’un imaginaire décalé, et de souvenirs d’autres temporalités. Dans son échelle réduite et son rapport cyclique au temps, ce lieu appelle les métamorphoses, le glissement du regard sur des objets polymorphes ainsi qu’un imaginaire du vivant, du nourricier. Si cet imaginaire est souvent la source de mon travail, j’ai aimé ici à en explorer un vocabulaire plus tendre et ludique

Comptine est un ensemble de quatre sculptures en bronze polychrome conçues pour le potager et pour ses principaux usagers.Trois éléments,  la Cuillère, le Gobelet et le Trois Pattes s’insèrent entre les plates-bandes, et une fontaine située au centre du jardin est équipée de quatre points d’eau accessibles aux enfants, aux quatre points cardinaux.  L’échelle de ces pièces est proche de celle des enfants comme de celle des végétaux. La fontaine est placée au centre d’une plaque en fonte de fer perforée, de forme quadrilobée, à travers laquelle peut s’écouler l’eau. Les trois autres éléments sont scellés sur des socles de ciment blanc d’une épaisseur d’environ 10 cm., de forme ovale et aux angles arrondis, tels de grands galets plats. Tous les éléments sont d’accès facile et appellent le contact physique, la caresse. Les formes jouent sur des identifications multiples, fruits, nuages, objets du quotidiens transformés, animalités non identifiées.

La clôture est pensée comme une frontière transparente et poreuse, et non comme un mur ou une barrière ; à l’image d’un filet élastique elle se contracte et se dilate régulièrement et donne la sensation d’une pulsation de l’espace intérieur. Son dessin privilégie l’horizontalité et la fluidité, tout en suggérant un rapport au sol semblable à celui du végétal (jaillissement et retombée). D’une hauteur de 1 m., elle ondule au centre d’une bande végétale d’environ 0,70m. de large ; sur l’extérieur du potager sont plantées des plantes pérennes basses, sur l’intérieur une végétation plus légère et fleurie, prise en charge par les animateurs jardiniers du potager. La clôture sert de support à des grimpants (volubilis, chèvres feuilles, etc.) sans pour autant en être recouverte.

Le plan intérieur du jardin a été redessiné en collaboration avec Pascal Cribier, architecte paysagiste, en fonction à la fois des demandes de l’association qui a la charge du potager, et du travail avec les enfants, et des contraintes propres au jardin des Tuileries tel que conçu par le Nôtre et réaménagé lors des années 90. Le parallélisme et l’orientation des plates-bandes ont été conservés par respect de la structure orthogonale de l’ensemble du jardin, tandis que leur dimension a été réduite et leur organisation repensée pour privilégier une circulation plus fluide, et aménager un espace central autour de la fontaine. Les allées sont plantées d’herbe résistante au passage, et cinq arbres fruitiers de basse tige y poussent en contrepoint des sculptures. Une fois le jardin vivant, c’est-à-dire envahi de légumes et de fruits, les sculptures de bronze sont dans un rapport complice d’échelle et de couleur avec la végétation.…

J’ai modelé les quatre sculptures en vraie grandeur en terre ou en cire. Elles ont été coulées par l’Atelier des Fondeurs d’Art, Fonderie de la Dure, à Montolieu. J’ai conçu et dessiné la clôture, qui a été réalisée par les Etablissements Vaillant, à Fontenay sur Loing.

Chronologie :
Projet : janvier – juin 99
Réalisation : octobre 1999 – juin 2000
Inauguration : juin 2000

Dimensions :
Un, une cuillère à trous : bronze peint, 56 x 45 x 130 cm.
Deux, le gobelet dans le miroir : bronze peint, 49 x 80 x 130 cm.
Trois, le trois pattes : bronze peint, 67 x 56 x 56 cm.
Quatre, la fontaine : bronze patiné, 118 x 88 x 88 cm.
Grille : fonte d’acier, 3 x 140 x 140 cm.
Clôture : acier thermolaqué, 100 x 7200 cm.