De l’antithèse à l’oxymore ; le corps humain en liaison.
Noir Carmin, Laboratoire de la création
Makki Cappe, 2022
Il est des objets qui ne renvoient qu’à l’espace, quant à les voir ils n’ont que leur surface à répéter. Il est à l’inverse des objets qui trouent l’espace de temps pluriels ajustés, quant à les voir leur puissance nie le silence inanimé. Du mystère au symbole, le monochrome brut résiste comme un totem barbare.
Empreint du passé dans sa monumentalité, rendu précieux par son socle, symbole de scission des espaces et des temps, du corps périssable et de l’immortel idéal, déjà l’objet, dans sa physicalité, s’érige en sculpture de tradition qu’il ne craint pas incorporer. Chargée de violences en emblèmes qui s’épandent jusqu’à nos pieds, mutinerie muette contrainte dans l’objet lisse, la sculpture déploie et impose ses forces contraires. L’équilibre est une arrête tranchante à l’esprit, infiniment ronde à la vue, sans fin, autour, le motif se répète. C’est une ritournelle paralysée. La terre, cuite, devient métal, le charnel du modelé, surface hostile. La tresse noue, lie ou condamne la matière au figuré, en trace factice de l’organique, conjuguant l’archétype du féminin à l’animosité.
Tout ici est irréconciliable pour qui se repose. La dualité fend l’unité apparente de l’objet et le verbe lutter vitrifie le regarder.
Il est des mains qui font et des yeux qui voient, des mains qui forment et des yeux qui se ferment. L’objet impavide exige de la vue qu’elle devienne regard incarné. Spectateur agressé, partisan, altéré, dans l’irréconciliabilité, l’indifférence est révoquée. Voir nous a touchés, sans tendresse aucune, on obtempère, disposés, assujettis. Il est des images dont on peut pressentir les chimères et des réalités qui frappent par l’image. Une image contenue qui point en échos, de la forme simple dans l’espace à nos mémoires invisibles, la sculpture de totem s’érige en fétiche.
Monarchie de la matière et révolte des formes figurées, qui exprime quoi ? Qui contient qui ? Volonté contre retenue, à demi-mot s’immisce en fragile instance le doute. Doute de l’art qui se place en lieu et marge d’un trop plein qui sonne creux, d’un vide rempli que le symbole détourné se hâte d’habiter.
C’est un appel interrompu, une recherche de sens, une durée suspendue dans un étau de fer. La forme refermée prône la suspension, la clameur lissée, les pensées contraires qui au fil des tours d’un cercle sourd s’allient (ou non) sur une trêve plus qu’une résolution. Le dialogue est pesant, il reste silencieux.
Les ronds noirs, dont le napperon en symbole invoque autrement l’archétype nostalgique du féminin parodié, interrompent l’espace d’un nouvel ailleurs de temps : le motif rassurant, en situation, se fait syntagme vacant. De la circularité aliénante s’échappe discrètement la ligne d’un futur dit par le passé. Déraillement salutaire qui, en bordures de la vision, introduit le déséquilibre comme échappatoire inconscient.
C’est le rouge qui détient le temps de ces corps à corps, du vide cérémonieux aux corps passants, il sera ce soir l’acmé et le crépuscule de la céramique.
Rien n’est feint, tout est là, rien ne montre ni n’indique, ni langage ni figure. Des poings comme une couronne dont les chants sont un souvenir, glorifient, s’invectivent ou se ramollissent selon les voix qui sont les nôtres. Comme une lave figeant la mémoire d’un instant philanthropique ou une relique bien conservée que l’on tiendrait à distance, une violence saisit dont le mot seul se forme par écho.