À Bourges, deux artistes explorent le « pouvoir-du-dedans »
Revue Esprit
Mikaël Faujour, septembre 2024
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Aquarelle, plastique céramique de grandes dimensions, dessin in situ, son art évolue entre abstraction biomorphique et figuration, explorant les territoires fluides et incertains du rêve, du merveilleux, du fantastique. Il entre une part d’enfance teintée d’inquiétude, en particulier dans ses créatures de céramique entre Barbapapa, fantômes et totems. Voici trois personnages dotés de jambes humaines… mais dont le corps est une figure géométrisante (cône, rectangle, forme ovoïde) et pourvue d’yeux. Que sont-ils ? Des monstres de fantaisie ? Des corps prisonniers de costumes grotesques ? Ou sont-ce des enfants farceurs cachés sous un déguisement ?
Pareils à des rêves élevés à la matérialité, les œuvres d’Anne Rochette suscitent un sentiment de présence mêlé d’indécision – par l’impossibilité d’assigner sens ou nom à ces formes parfois transitoires comme des états de métamorphose. À l’exemple, notamment, de cette très belle céramique ovoïde émaillée de noir, dont yeux et bouche sont suggérés par des fentes cernées de rose : tête d’une mystérieuse beauté, entre extraterrestre de science-fiction, casque d’un minimalisme tout de courbes dérivé de Brâncuşi et masque primitif.
Aquarelles évoquant une vie cellulaire microscopique – comme un héritage lointain de Wols –, têtes de terre cuite tantôt brute et tantôt émaillée, tantôt plus décrites et expressives et tantôt abstractisantes, dessins-poèmes in situ sur la mémoire etc. : l’exposition donne un aperçu très convaincant du travail d’Anne Rochette. Et cependant, par le caractère hétéroclite des œuvres exposées, elle laisse espérer surtout une rétrospective dans un musée régional ou national qui exposerait davantage et éclairerait mieux la richesse des voies, matériaux et imaginaires oniriques explorés par cette artiste.
« Inner Powers », Transpalette – centre d’art contemporain, Bourges, jusqu’au 22 septembre.